3 questions à RAHAJASON Laborde

3 questions à RAHAJASON Laborde

août 29, 2023 Non Par Liva Andriantompoinarivo

Chef de service des opérations et environnement – FID

Azafady babako, c’est quoi ?

Il s’agit d’un projet pilote de lutte contre le mariage précoce initié dans le cadre de FIAVOTA dans le fokontany de Betsimeda, commune de Maroalimainty, dans le district d’Ambovombe. Azafady Babako signifie « excuse-moi mon père ». L’idée est de crier fort l’interdiction du mariage précoce d’un enfant sous l’obligation de ses parents, sous prétexte d’une tradition pratiquée dans cette région. La cause en est la pauvreté et l’influence de l’entourage, notamment des amies. Comme le père de la famille a le dernier mot sur cette pratique, la stratégie se base sur la conscientisation des parents et des enfants. Ils sont sensibilisés sur les dangers que représente le mariage précoce. Les enfants sont incités à revendiquer leurs droits et à oser refuser à leur père, de manière courtoise, le mariage proposé par ce dernier.

Comparé à d’autres programmes de lutte contre le mariage précoce, quelle en est la différence ?

Innovante et révolutionnaire, telles sont les approches de ce projet. D’abord, l’aspect traditionnel a été exploité. Si les pratiques coutumières sont usuellement considérées comme un frein au développement, dans Azafady babako, celles-ci sont prises comme un facteur de changement authentique et durable. Concrètement, la pratique de mariage précoce a été traduite comme un « fady » dans ce fokontany.

Ensuite, les acteurs locaux sont sensibilisés et formés sur la lutte contre le mariage d’enfant, en plus de la production d’affiches et de chants sur le sujet. Le projet mise sur l’adoption d’une approche holistique et systémique basée sur l’engagement communautaire. Il s’agit de mobiliser et de responsabiliser tous les membres de la communauté à s’engager de manière efficace, avec des actions concrètes, adaptatives et acculturées. L’objectif est également de tendre vers la promotion de tous les droits des enfants.

Quelle est la situation actuelle et les perspectives ?

Sous l’effet de l’action de KOMIAZA ou « Comité de protection de l’enfant », mis en place par le projet, 90% des parents (soit 300 parents) dans le fokontany de Betsimeda sont inscrits dans le collectif « RAMATEZA » signifiant « des parents qui aiment leurs enfants ». Ils se sont engagés à interdire la pratique du mariage d’enfant dans leur communauté. Cette décision historique a été marquée par le rite traditionnel de consécration appelé Takataka le 31 Mars 2023, et ce, pour interdire une pratique néfaste pour la communauté et pour les générations futures. 95% des enfants, soit 922 garçons et filles entre 10 à 20 ans du village ont adhéré dans le club « ZATSIMALOLO » qui signifie « je ne me marie pas trop tôt ». Ils revendiquent leurs droits auprès de leurs parents et refusent le mariage précoce.
En 2018, Madagascar affiche un taux de 41% de mariage d’enfant. A travers Azafady Babako, les Filets Sociaux de Sécurité contribuent à réduire ce taux. Il faut savoir que la stratégie nationale de lutte contre le mariage d’enfant (SNLME) vise à réduire ce taux à 20% d’ici 2024.
La communauté poursuit son parcours. Les parents dans le collectif RAMATEZA forment l’association RAMIKOZA « des parents responsables de la promotion des droits des enfants » dont l’objectif est de responsabiliser les parents à s’investir davantage dans la scolarisation de leurs enfants et de contribuer à la construction d’un centre communautaire de la protection de l’enfant. Ce dernier fourni des formations en life skills et des formations professionnelles aux enfants ZAMIOMALO « Je me prépare avant de me marier ». Ils sont incités à revenir à l’école et/ou à suivre une formation professionnelle dans le centre pour ouvrir leurs perspectives aux métiers de l’agriculture, l’élevage, l’artisanat et l’art culinaire. L’objectif est également de leur faire comprendre que la période de l’enfance est faite pour préparer un meilleur avenir. Une fois un diplôme obtenu et une activité génératrice de revenus créée, ils vont passer au club ZAMANAZAVA « J’ai quelque chose (diplôme, AGR) avant de me marier ». A ce stade, l’enfant sera la fierté de ses parents et sera un modèle pour les autres enfants dans la communauté.
En se basant sur la réussite de ce projet pilote, le FID ambitionne d’étendre Azafady Babako dans les autres communes et de faire de la région Androy une région vitrine de la lutte contre le mariage d’enfant et de la promotion des droits des enfants.