SOMMAIRE
Avec une situation hydrique préoccupante, la sècheresse sévit souvent dans le Grand Sud de Madagascar à l’origine de crises alimentaires et nutritionnelles intenses. Selon l’IPC ou Cadre Intégré de Classification de la sécurité alimentaire, environ 1,31 million de personnes seront victimes d’insécurité alimentaire aigue élevée entre octobre et décembre 2021. Les années consécutives de forte sècheresse ont anéanti les récoltes. La plupart des ménages ont épuisé leurs réserves alimentaires les obligeant à vendre leurs animaux et à brader leurs biens pour acheter de quoi se nourrir. Une situation de précarité décuplée par d’autres facteurs dont l’insécurité, l’enclavement, le manque de moyens, …
Donner aux familles les moyens de faire face aux crises
Fiavota, le programme intégré de transfert monétaire et de nutrition, est mis en œuvre dans les Régions Androy et Anosy depuis 2016 pour soutenir les familles fortement affectées par la sècheresse. 70 000 ménages de 39 communes bénéficient de ce programme. Une allocation monétaire mensuelle leur est versée tous les deux mois pour limiter, à court terme, les impacts sur leur santé et leurs moyens économiques (alimentation, reconstitution des actifs, etc.). L’ambition va bien au-delà de l’urgence. Il s’agit pour Fiavota de remédier aux conditions de vie difficiles, au manque de moyens et d’opportunités économiques ainsi qu’à un faible niveau de capital humain lié à l’insécurité alimentaire et à la déscolarisation des enfants.
Améliorer durablement le bien-être
L’épanouissement humain est au coeur même des principales préoccupations. Fiavota, en tant que programme de transfert monétaire pour le développement humain, encourage la fréquentation scolaire, favorise les comportements qui renforcent la nutrition, le développement de la petite enfance, l’hygiène, la santé… A travers les espaces de bienêtre (EBE), qui sont des ateliers d’apprentissages et d’échanges, les mères-leaders accompagnent et motivent les familles bénéficiaires à développer et à adopter les bonnes habitudes de vie. L’évaluation à mi-parcours de Fiavota en 2018 a montré que les ménages bénéficiaires fréquentent plus les centres de santé (22% supérieur). Par ailleurs, le programme a aussi permis de renforcer la place de la femme au sein du ménage, leur participation aux décisions qui y sont prises s’est accrue (58% en 2018 contre 38% en 2016).
Relancer les activités économiques
Les transferts monétaires favorisent la consommation et l’investissement dans des activités productives. Avec les encadrements techniques qui leur sont fournis, les ménages bénéficiaires sont encouragés à pratiquer une agriculture plus résiliente. En outre, les coups de pouce financiers (fonds de redressement) ainsi que la redynamisation des groupes d’épargne et de crédit villageois offrent aux familles l’opportunité d’investir dans des activités économiques qui permettent d’augmenter leurs revenus.
Toujours parmi les résultats issus de l’évaluation, Fiavota a favorisé la création des unités de production familiale (petit élevage, jardin potager,…) chez les ménages bénéficiaires, près de 38% des ménages possédaient en 2018, plus d’une unité de production.
S’adapter aux chocs
Le Grand Sud est vulnérable aux aléas climatiques. Malgré la pertinence des interventions, les acquis restent fragiles. Toseke Vonje Aigne constitue le programme de réponse aux situations d’urgence en appui à Fiavota. Le système permet, soit d’augmenter la valeur des allocations monétaires aux bénéficiaires actuels, soit d’étendre les interventions à d’autres zones avec de nouveaux bénéficiaires. Actuellement, Toseke Vonje Aigne soutient 100 000 familles victimes de la sècheresse dans l’Androy, l’Anosy et l’Atsimo Andrefana.
Rappelons que Fiavota et Toseke Vonje Aigne sont des programmes de protection sociale du Gouvernement malagasy, coordonnés par le Ministère de la Population, de la Protection Sociale et de la Promotion de la Femme avec l’appui financier de la Banque Mondiale. Le FID assure la mise en oeuvre des interventions. Ils visent le renforcement de la capacité de résilience des familles ainsi que l’amélioration de façon durable de leurs conditions de vie.
Une période charnière ! L’effervescence est au rendez-vous au sein du FID à la veille de la clôture des interventions d’urgence en réponse à la crise sanitaire et à la sècheresse dans le sud. Les derniers paiements pour les quatre programmes, à savoir Ankohonana Miatrika, Ankohonana Miarina, Asa Avotra et Toseke Vonje Aigne sont en cours de réalisation. Malgré le caractère ponctuel de ces réponses d’urgence, nous osons espérer que des changements s’opèrent au niveau des communautés. Les espaces de bienêtre ou la présence des mères-leaders aurait contribué à resserrer les liens communautaires. Le savoir-faire acquis à travers les chantiers HIMO aiderait les bénéficiaires à diversifier leurs sources de revenus et à renforcer leur capacité de résilience.
Dans le cadre des programmes de protection sociale plus réguliers, l’heure est également au bilan pour le financement « Filets Sociaux de Sécurité » (FSS). La dernière intervention pour Asa Avotra Mirindra est maintenant enclenchée. Pour Vatsin’Ankohonana et Fiavota, il reste à opérer trois transferts d’ici mars 2022. La tenue des ateliers de capitalisation de ces programmes ont permis de consolider les bonnes pratiques de l’actuel fonds additionnel 2 (FA2) et de préparer les interventions dans le cadre du troisième financement additionnel (FA3). Les changements et le design pour cette nouvelle phase (FA3) se dessinent et se précisent aujourd’hui. L’objectif reste le même : soutenir les familles les plus démunies à améliorer leurs conditions de vie de façon durable.
Pour le Projet d’Appui à l’Education de Base (PAEB), les salles de classe confiées aux communautés accompagnées par le FID devraient pouvoir accueillir les élèves pour cette rentrée scolaire 2021-2022. La deuxième vague de projets de construction a, par ailleurs, commencé. Et dans le cadre de la vie associative du FID, notre Conseil d’Administration a accueilli de nouveaux Administrateurs. La situation des interventions du FID leur a été partagée au cours de la réunion avec l’Assemblée Générale au début de ce mois d’août.
Face à ces challenges, notre engagement à apporter notre pierre à l’édifice en matière de développement reste notre force… et nous nourrissons le voeu que cela portera ses fruits !
Jaona ANDRIANANTENAINA
Directeur Général . FID
Asa Avotra
Un programme à double impact
Bien-aimé, est un des bénéficiaires du programme Asa Avotra à Fianarantsoa, qui a travaillé sur une carrière dans la taille de pierre. « Avec ma femme, nous avons un petit commerce de PPN mais les produits n’étaient pas encore à nous. Les rémunérations reçues nous ont servi de fonds de commerce pour développer et s’approprier notre activité ». Issu de la formule Argent contre travail appliquant la technique HIMO, Asa Avotra est l’un des programmes composant le projet Fiatrehana ny voina sy fanarenana . Il s’agit de transférer à des bénéficiaires, s’étant préalablement inscrits et retenus sur la base de critères de vulnérabilité, une somme de 5000 Ar/par jour ouvré. Les chantiers sont exécutés sur 20 jours et permettent aux bénéficiaires d’avoir des revenus supplémentaires impactant positivement sur la scolarisation de leurs enfants, la santé de leur famille ou encore leurs activités économiques.
Pour Kahed du Fokontany Ampasimbe à Fenerive-est : « Ce travail ponctuel m’a permis d’acquérir un nouveau savoir faire. Maintenant, je peux travailler sur les chantiers et varier nos sources de revenus ». En effet, pour renforcer la compétence des bénéficiaires et cadrer les travaux dans les chantiers, des formations en salle sur les petits métiers telles que la taille des pierres, la pose de pavé, la maçonnerie, … ont été initiées au préalable avec le Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle (METFP). Les formations se poursuivent durant les travaux sur le terrain, rendant les bénéficiaires aptes à travailler sur d’autres chantiers par la suite.
Plus de 51 000 ménages bénéficient de ce programme sur Antananarivo, Fianarantsoa et Toamasina avec près de 380 chantiers locaux portant sur des travaux de réhabilitation de routes et ruelles ou encore d’aménagement d’espaces verts. Un programme à double impact !
Nous pouvons mettre fin au cycle de la pauvreté !
L’insuffisance des ressources et la sècheresse récurrente dans le Sud vulnérabilisent les ménages notamment ceux monoparentaux, à l’exemple de notre Ranomamy Jeanne d’Arc dans la commune Marovato dans le district de Tsihombe.
« Depuis le divorce avec mon époux, j’ai dû élever seule mes trois enfants. Cela n’a pas été facile avec les revenus que me procure mon métier de ménagère. Heureusement, depuis le début du programme Fiavota, j’ai pu commencer à faire des épargnes. Mes enfants continuent de fréquenter l’école, je suis confiante pour leur avenir. A part les allocations monétaires, nous recevons des formations sur la gestion de nos revenus, ce qui m’a permis de mieux gérer mon argent et de me lancer dans des activités génératrices de revenus. » nous raconte Ranomamy Jeanne
d’Arc.
«Je suis confiante sur mes possibilités à assurer nos dépenses au quotidien, j’encourage les autres familles bénéficiaires à s’engager pleinement dans le programme notamment à être assidue aux formations. Il faut mettre en avant l’éducation de nos enfants car c’est le seul moyen de mettre un terme à ce cycle de la pauvreté»
Je suis confiante sur mes possibilités à assurer nos dépenses au quotidien
La situation socio-économique actuelle, liée aux effets de la pandémie de la Covid-19, montre l’importance des systèmes de protection sociale pour soutenir les plus vulnérables. En tant que principal acteur de la protection sociale à Madagascar, quelles actions le Ministère de la Population, de la Protection Sociale et de la Promotion de la Femme a-t-il initié pour aider les populations en situation d’urgence ?
RIVOMANANA Tsarahita Ghisbert : Le bien-être durable de la population constitue la priorité du Gouvernement telle que définie à travers la Politique Générale de l’Etat. En tant que premier acteur de la protection sociale dans le pays, le Ministère conçoit, coordonne et met en place un cadre d’orientation générale des actions en matière de protection sociale. Cette coordination permet d’harmoniser les différentes interventions menées par divers acteurs afin de soutenir efficacement les ménages en situation de vulnérabilité. Particulièrement en cette situation liée à la Covid-19, les principales réponses de la protection sociale menées par le Ministère ont été réalisées à travers le projet Fiatrehana ny voina sy fanarenana en fournissant des appuis
monétaires aux ménages les plus vulnérables. Ces appuis permettent à ces derniers de se reconstituer et de se relever pour faire face à la crise. Notons que le projet intègre également les réponses aux effets de la sècheresse dans le Sud et est menée en collaboration étroite avec le BNGRC.
FID’Actus : Dans la coordination des dispositifs de protection sociale, comment s’étend la mission de la Direction Générale de la Protection Sociale (DGPS) ?
RTG : La DGPS a comme mission d’assurer les activités de supervision, de facilitation, de suivi et d’évaluation des interventions menées par les acteurs de mise en oeuvre. Pour ce faire, nous conduisons les sessions de réunion de suivi régulières avec la participation des partenaires techniques et financiers ainsi que les agences de mise en oeuvre. Nous menons aussi des supervisions sur le terrain afin de constater l’ampleur des interventions ainsi que leurs résultats à court terme. Plus de 30 missions de terrain ont été réalisées en ce sens. Bien évidemment, l’évaluation des projets sera, par la suite, menée pour alimenter et orienter davantage la Stratégie Nationale de la Protection
Sociale (SNPS) et les actions à venir. L’évaluation des programmes de protection sociale figure également parmi le mandat de la DGPS. Par ailleurs, en tant qu’institution de tutelle de la protection sociale, nous menons les actions de communication et l’information continue de l’évolution des programmes aux différentes instances institutionnelles : Présidence de la République, Gouvernement, parlementaires, élus, etc.
FID’Actus : Le projet de réponse d’urgence Fiatrehana ny voina sy fanarenana est actuellement à la veille de sa clôture. Que peut-on dire ?
RTG : Les observations que nous avons conduites sur le terrain nous confortent dans la pertinence des actions qui ont été menées en réponse aux situations d’urgence. Nous avons constaté que la situation des ménages bénéficiaires s’est améliorée bien que les communautés souhaitent que les actions d’appui se poursuivent sur une période beaucoup plus longue. Les résultats positifs ainsi que les pistes de réflexion quant à ces interventions d’urgence seront sans doute plus étayés à la suite de l’évaluation finale du projet.
Notre progrès influencent positivement notre communauté
« Trois ans maintenant que nous bénéficions du programme de transfert monétaire Vatsin’Ankohonana et depuis notre vie s’est nettement améliorée. Je me souviens encore des difficultés financières que nous avions et qui étaient notre seule préoccupation, au détriment de nos enfants et de leur bien-être. » raconte Bao Jeanne Nirina, mère-leader dans la commune de Amboafandra Vohitrindry, district de Vohipeno.
« Outre le transfert, nous sommes également formés sur la gestion de nos ressources pour diversifier les activités génératrices de revenus. Avec mes épargnes, je me suis lancée dans l’apiculture. Nous en récoltons maintenant les fruits car la revente me permet de subvenir à nos besoins. Nous avons mêmes assez de récolte pour revendre jusqu’à Antananarivo. Les enfants fréquentent régulièrement l’école, nous n’avons plus de difficultés à payer leurs frais de scolarité. Mon ainé vient de finir sa quatrième année à l’université et fait notre fierté. Notre dernière formation dans le cadre des espaces de bienêtre du programme concernait la plantation de vanille et de girofle, une nouvelle activité que nous lançons. Non seulement le programme a été bénéfique pour nous mais notre progrès a également influencé notre communauté à faire des épargnes et à investir dans des activités génératrices de revenus. Faites comme nous, épargnons et investissons pour demain ! » conclut-elle.
Brèves
Succès des bénéficiaires de Asa Avotra Mirindra et Vatsin’Ankohonana à la FIER Mada 2021
Une première ! Les bénéficiaires des programmes de protection sociale Asa Avotra Mirindra et Vatsin’Ankohonana ont participé à la 22è édition de la Foire Internationale de l’Economie Rurale de Madagascar (FIER-Mada). Venus des différentes zones d’intervention, ce sont 27 bénéficiaires accompagnés de 9 membres de Comité de Protection Sociale qui étaient présents du 4 au 8 août 2021 au Stade Maki Andohatapenaka. Ils étaient là pour vendre les produits de leurs terroirs (produits agricoles, artisanat…) et échanger avec les autres participants. L’inclusion productive constitue une des thématiques phares des mesures d’accompagnement des programmes mis en œuvre par le FID. Les familles bénéficiaires sont aidées à améliorer leur capacité de production agricole par le biais de formation et d’encadrement technique. L’objectif est d’élargir et de diversifier leur production agricole pour renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi que de générer, parallèlement, des revenus via la commercialisation des surplus. Cette première participation a été fortement appréciée par les bénéficiaires puisqu’elle leur a permis d’être en lien avec le marché. « Vivement la prochaine édition »
Fiatrehana ny voina sy Fanarenana
Grâce au programme Asa Avotra 13 Km de routes en terre sont à nouveau praticables pour les communautés locales autour des communes d’Ampasimbe Manantsatrana et d’Ambanjan’i Sahalava dans le district de Fénérive-Est. C’est également près de 1200 ménages qui ont bénéficié de ce programme d’argent contre travail. En raison des conditions climatiques, cette route reliant actuellement les deux communes était devenue impraticable pour les voitures ou charrettes et engageait plus de 3h pour une marche à pied. 28 jours de travaux, la route a été remblayée, des canaux ont été creusés des deux côtés pour assurer l’évacuation de l’eau et rendant accessible le déplacement. Pour Gertrude dans le Fokontany Antsara 1 : « Mes enfants étudient sur Fénerive-Est la ville, de l’autre côté de cette route. Les jours de grande pluie, je ne pouvais assurer mes livraisons de vivres laissant mes enfants sur leur faim. La réhabilitation est une aubaine et en plus me permet d’arrondir les fins de mois en cette période de vache maigre. »
Projet d’Appui à l’Education de Base (PAEB) : Réception des 200 salles de classe de la première vague ce fin septembre
Les travaux avancent bon train pour le projet d’appui à l’éducation de base (PAEB), un projet du Gouvernement malagasy pour construire des écoles selon le mode de gestion communautaire. Sous la coordination du Ministère de l’Education Nationale et financé par la Banque Mondiale, le FID est missionné comme agence d’accompagnement des communautés. 76% des travaux sont réceptionnés à ce jour pour la première vague composée de 200 salles de classe avec des latrines et des mobiliers. Les réceptions des travaux restants sont prévues à la fin de ce mois de septembre. Pour la deuxième vague les renforcements de capacité des communautés ou FEFFI (Farimboin’Ezaka ho Fampandrosoana ny Fampianarana Ifotony) ont commencé. Elles auront la responsabilité de mettre en oeuvre dans son intégralité le projet de construction scolaire, y compris la gestion de l’école, la passation de marchés, la gestion financière ou encore le suivi-évaluation.
Vu ailleurs
Le Social business au secours du développement ?
Le Social Business fait actuellement l’objet d’un engouement certain de la part des bailleurs de fonds, qui se dotent de stratégies ou d’outils dédiés. Le social business, peut en effet apparaitre comme la solution miracle dans ce contexte d’austérité budgétaire. Mais que l’on ne s’y trompe pas : le soutien financier public reste une des conditions de sa réussite.
Le social business affiche l’ambition de s’attaquer, comme les politiques sociales, à des problèmes sociaux mais en générant dans le même temps des revenus indispensables à la pérennité du projet, sur un modèle économique de type entrepreneurial. Il s’agit d’organisations de statut différents (associations, ONG, coopératives, entreprises, …) qui affichent un objectif social (et/ ou environnemental) prioritaire et qui recherchent l’équilibre financier pour ne pas dépendre de financement publics.
Source : Nicolas VINCENT / Economiste à l’AFD